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Escapade à Amsterdam

J'embarque mon fils dans l'aventure.

 

Comme je vous le confiais dans mes résolutions du mois de janvier - article ici, j'avais à cœur de voyager plus cette année. Et surtout d'amener mon fils à me suivre, car jusqu'à présent, nous n'étions jamais sortis des frontières ensemble. Qu'on se le dise, partir seule avec un enfant de 6 ans ne s'improvise pas. C'est pourquoi j'ai passé plusieurs jours à préparer nos feuilles de route, de sorte de limiter nos déplacements, nos dépenses, minimiser les imprévus, et profiter de la vie sur place.

 

Les préparatifs

 

Une fois la carte d'identité de Ioran reçue, les week-ends de libre vérifiés et les vols directs au départ de Bordeaux checkés, notre choix s'est porté sur Amsterdam, pour sa taille humaine et son ouverture maritime.

En me baladant sur Internet, j'ai pu faire une première sélection de ce que je voulais voir, en sachant qu'avec le temps dont nous disposerions sur place, il était plus question de partir en rando photo à travers la ville qu'à la découverte des musées. Ma seule interrogation portait sur la capacité à Ioran à me suivre et s’intéresser aux paysages urbains. Ce pourquoi j'ai décidé de lui présenter la feuille de route en amont, détaillant ainsi tous nos déplacements. Et comme toute autiste sur-organisée qui se respecte, rien n'est laissé au hasard.. où aller, comment y aller, à quel prix, et dans quelle tranche horaire. 

Délivrés de tout stress, ou presque, ne nous restait plus qu'à compter les jours, ou plutôt les nuits avant le départ, préparer nos sacs et déposer les clés au catsitter.

 

- Day 1. Quartiers Sud

 

Des vêtements chauds, un café, un dernier câlin au chat. Direction l'aéroport de Bordeaux. Malgré l'attente, nos yeux brillent de bonheur et brulent d'impatience. La salle des low cost est pleine à craquer, quelques familles, des jeunes, des couples. Certains s'isolent dans la musique, d'autres pianotent sur leur téléphone, les plus téméraires lisent. Quant à moi, je regrette d'avoir laissé mon casque à la maison. En hypervigilance, je souffre déjà du niveau sonore et de l'agitation. J'ai chaud. Ma tête tourne, j'ai du mal à me concentrer, pas question de lâcher, 1-2-3-4-5-6 1-2-3... je m'accroche au décompte automatique et tout y passe, la charpente, les plis du métal, les lignes sur l'écran. À mes côtés, Ioran dessine calmement. Je finis par sortir un carnet et mettre 2-3 mots sur ce que je ressens.

Puis nous embarquons. Mini-moi est collé au hublot. S'impatientant des tours de piste, je lui explique que j'ai réservé l'avion, pas le vol, et que nous roulerons comme ça jusqu'à Amsterdam. Heureusement, le décollage aura raison de mon humour à deux balles.

Le dos collé au siège, je ne me lasse pas de ces départs et profite du vol dans l'ivresse du bourdonnement des réacteurs. Jusqu'à ce que Ioran me rappelle à l'ordre. L'altitude le fait souffrir, ses tympans sont douloureux.

 

Nous atterrissons en fin d'après-midi, dans un mélange d'appréhension et d'excitation. Après avoir traversé tout l'aéroport, nous nous dirigeons vers le guichet de retrait des tickets de transport. Je suis alors partagée entre fierté et désespoir, prise en sandwich entre le regard plein d'admiration de mon fils face à mon maniement de l'anglais, et ceux remplis de désolation de l'hôtesse avec qui la magie peine à opérer. Finalement, je repars avec la moitié des cartes, sous les félicitations du chaton.

 

Nous roulons jusqu'au musée d'Etat pour quelques photos de nuit. Aussitôt arrivés, nous sommes happés par l'ambiance.. mystérieuse. Le dépaysement est total. Des façades de briques transparaissent derrière une brume épaisse, devant lesquels des vélos débarquant de partout mènent la danse, silencieusement.

Dans le parc du musée, une patinoire s'illumine de tons rosés sous une reproduction du pont Maigre menant à un bar à la déco cosy. Nous sommes définitivement conquis.

 

Rijksmuseum, Amsterdam

 

De l'autre côté, nous découvrons les premiers canaux. Mini-moi enchaîne les photos, me demandant de dégager régulièrement du cadre en s'agaçant de mon manque de réactivité sur un ton et une forme d'urgence que je reconnais.

Puis nous prenons le tram pour rejoindre le pont Maigre, le vrai, dont l'éclairage et les reflets sur l'Amstel lui offrent une allure des plus romantiques. Je m'étonne au passage de la propreté des rues, malheureusement là-aussi, ça dépayse.

 

Magere brug, Amsterdam

 

Il est tard. En rentrant dans le métro, Ioran se retrouve coincé par un problème de carte auquel je m'attendais. Aussitôt avertie par les passants, une agent des transports vient nous libérer avec les instructions à suivre pour le reste de notre séjour.

Nous descendons jusqu'au Sud de la ville. J'ouvre le GPS, rentre l'adresse de notre chambre, 800m à parcourir. Mais le départ est compliqué, j'ai des difficultés à m'orienter, tourne en rond, m’impatiente, m'énerve. Je me sens nulle et puis j'ai peur, les larmes montent. Mon fils me demande de me calmer.. c'est l'électrochoc. Je passe aussitôt de petite Elize à Wonder Maman. Concentrés sur la seule voix du téléphone, nous profitons des derniers paysages de la journée sous une brume toujours plus épaisse. Les halos des lampadaires nous ouvrent la voie sur de larges pistes cyclables, bordées par de petites maisons de briques, toutes aussi charmantes les unes que les autres.

Ioran tombe sur celle de notre hôte, qui nous conduit directement à notre chambre.

 

Reigersbos, Amsterdam

 

- Day 2 : Quartiers Est - NDSM - KNSM

 

Nous sommes tranquillement réveillés par le lever du jour. Après un café soluble "dissout" à l'eau tiède, je prends quelques minutes pour dessiner sur mes yeux un trait d'eye-liner. À défaut de me sentir féminine dans mes dessous polaires, mes chaussettes d'équitation au combien sexy et un jean qui donne tout son sens au mot boudiné, j'aurai au moins un regard de biche. Ioran s'amuse de pouvoir se doucher, se laver les dents et pisser du même coup, tant la salle d'eau est étroite. Mais quel bonheur d'être ici, aux Pays-Bas.

 

Après quelques galères pour retrouver le métro, je récupère le ticket de transport manquant au bureau de tabac. Direction Waterlooplein, pour remonter à pied jusqu’à la gare centrale à travers l'Est de la ville. Nous attaquons par quelques photos des bâtiments aux lignes strictes du musée de l'Hermitage.

 

Hermitage, Amsterdam

 

Puis longeons le jardin botanique jusqu'au musée maritime devant lequel l'Amsterdam est amarré, réplique d'un superbe trois mats hollandais de 150 pieds. Le long des quais, le musée NEMO, des péniches entourées de pots de fleurs contrastent avec les immeubles qui leur font face, puis la tour Montelbaan, le Grand Hôtel. Au bout de la rue, la basilique St Nicolas, Saint patron des marins, s'impose à travers des façades aux 50 nuances de briques.

Arrivés à la gare, nous prenons quelques minutes pour nous sécher, nous réchauffer et faire le point sur notre itinéraire.

 

Amsterdam Centraal

 

Direction le ferry. Une fois à bord, je m'installe à l'avant du bateau pour profiter de la vue, tandis que Ioran prend place à l’abri du vent. Sur la rive, de vieux voiliers sortent du brouillard, puis les grues, les docks.

Nous débarquons sur l'ancien chantier naval NDSM, derrière l'épave d'un sous-marin soviétique. La magie opère aussitôt, l'ambiance est dingue, no man's land. Je m’émerveille au moindre container, alors que mon fils me tire par la main pour aller déjeuner. Nous filons donc au Pllek, un restau tout aussi atypique. De vieux rails traversent encore le sol en béton. Face au fleuve, un poêle à bois réchauffe la pièce dans une atmosphère cosy-industrielle définitivement parfaite.

 

Pllek, NDSM

 

L'estomac rempli, nous décidons d'explorer les lieux. Le street art est présent partout. Des graffitis recouvrent containers, blocs de béton et hangars désaffectés tandis que le reflet des grues au sol colorie les flaques. La rouille témoigne de l'abandon des chantiers, dans un silence au combien particulier. J'en prends plein les yeux, consciente que mes photographies ne suffiront jamais à en décrire l'atmosphère. Loin de toute préoccupation, Ioran court après les mouettes.

Nous tombons ensuite sur un entrepôt réaménagé en bureaux où se côtoient artistes, graphistes, designers et architectes dans un mélange anarchique de vide, de matière, de formes et de couleurs. Et terminons la balade par la citée étudiante, constituée d'une centaine de containers empilés les uns sur les autres.

 

NDSM, Amsterdam

 

De retour à la gare, petite balade en bus jusqu'à Azertplein sur l'île artificielle des anciens docks KNSM. De nouveau deux ambiances. Nous sommes frappés par le contraste entre les péniches d'un côté pleines de pots de fleurs, et les immeubles de l'autre, séparés par une montagne de vélos. Derrière les bateaux, le reflet des bâtiments modernes illumine le fleuve jusqu'aux mâts des vieux voiliers.

Le temps de faire quelques photos, je propose à mon fils de gérer notre retour à la gare, en lui confiant carte et feuille de route. Après quelques minutes de bus, nous arrivons à destination. L'exercice est réussi et Ioran, fier de ses responsabilités, explose de joie. Je lâche prise à mon tour, le temps d'afficher un sourire sur mon visage d'ordinaire si dur.. mon bébé a tellement grandi. Je me rend compte alors de l'ampleur de ce que nous sommes en train de vivre, et de l'impact d'un week-end a priori anodin sur le regard porté l'un à l'autre.

 

KNSM-eiland, Amsterdam

 

De retour à Reigersbos, mini-moi réussit à prendre un pigeon en otage dans l'entrée de la station de métro.. un oiseau des plus vaillants, loin de son cousin parisien.

Après deux trois courses pour le dîner, nous rentrons nous poser. Les journées sont longues, j'ai mal aux pattes et mon cerveau tourne à plein régime, en vigilance maximale depuis presque deux jours. J'ai définitivement besoin de repos. Ioran s'effondre, il vient de formater la carte de son appareil photo.

 

- Day 3 : Quartiers Ouest

 

Nous sommes réveillés par le lever du soleil, heureux d'apercevoir enfin l'horizon sous ses dégradés orangés. Un café insipide, un petit dej de camping, puis nous remercions notre hôte, et rejoignons la station de métro.. sans aide aucune.

Nouveau problème de ticket, cette fois-ci c'est ma carte qui bloque. Je recalcule mes droits, 48h depuis vendredi 18h, ça donne jusqu'à ce soir. Personne dans les parages, j'en profite pour me faufiler discrètement derrière Ioran. Nous remontons jusqu'à la gare centrale pour une longue rando côté Ouest-centre Ouest jusqu'au Sud de la ville.

 

Contrairement à la veille, le soleil apporte du contraste et de l'intensité aux reflets des façades sur les canaux. Encore contrarié par sa perte, mini-moi dégaine aussitôt l'appareil photo. Quant à moi, je me régale. J'ai toujours vu dans la photographie une forme de rébellion : le combat d'un instant d’ordinaire éphémère face à l'éternité de son emprunte. Celle d'un moment, d'un son, d'une odeur.. d'une émotion.

Nous traversons d'abord le centre historique pour y découvrir les églises et le palais de Dam. Puis décidons de remonter pour récupérer du fromage chez Kaasland, et quelques souvenirs en boutique. Parmi toute une multitude de portes clés, de magnets, de boules à neige.. Ioran finit par réclamer une sucette aux plantes vertes, me forçant à lui expliquer l'une des particularités du pays.

 

Canaux Ouest, Amsterdam

 

Plus au Sud, nous tombons sur l'entrée du béguinage, la plus ancienne cours intérieure de la ville, où des fenêtres quadrillées blanches recouvrent presque la totalité des façades.

En face, un tout autre décor nous interpelle : les grandes serres du marché aux fleurs. Des tulipes y sont proposées sous toutes leurs formes, en bouquet, en oignons, en plastique.. Nous repartons avec la version bois brillant, un choix judicieux compte tenu de ma capacité à maintenir une plante en vie.

Ioran, le regard malicieux, continue de courir désespérément derrière les pigeons.

 

Bloemenmarkt, Amsterdam

 

Parfaitement dans le timing, nous nous octroyons une pause chez Subway avant de reprendre notre descente au Sud, à travers la cours du Rijksmuseum, le musée Van Gogh puis le parc Vondel. J'ai mal partout, je me demande bien comment Ioran arrive encore à me suivre après tous ces km. Mais lui aussi fatigue.

Je décide alors de nous rapprocher de l'arrêt de bus pour l'aéroport, et de profiter d'une dernière bière au calme dans un pub de Leidseplein. L'occasion de faire le point sur notre séjour, avant de rentrer.

 

2 jours et demi, 24km à pied

 

Et pourtant j'ai l'impression que Ioran vient de prendre un an ! Cette douce impression d'avoir pu compter sur lui comme d'un partenaire de voyage à part entière, un mini-moi.. en plus patient. J'ai pu lire dans son regard tellement d'admiration, d'amour et de confiance ce week-end qu'il m'est difficile d'exprimer toute ma gratitude et ma fierté à son sujet.

C'est dur d'être une Maman Aspie, j'ai parfois même eu la faiblesse de penser que je n'y arriverai jamais. Parce que nos univers, celui de l'enfance et celui de l'autisme s'avèrent pour ma part, totalement incompatibles. Finalement, ce séjour nous aura apporté bien plus que des souvenirs, mais la possibilité de nous retrouver tous les deux aux frontières de nos deux mondes.

 

Elize

 

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Commentaires: 2
  • #1

    Antho (vendredi, 15 mars 2019 15:02)

    Super rédaction de ton escapade à Amsterdam ��

  • #2

    Elize Dulam (vendredi, 15 mars 2019 17:38)

    Merci Antho de tn retour, ravie que tu aies aimé �