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Le sport, mon refuge

Du plaisir à l'excès.

 

On me demande souvent depuis combien de temps je fais du sport... Autant que je m'en souvienne, depuis toujours.

 

Et 5-6-7-8. Dans le miroir, le reflet d'une petite blonde en tutu rose, timide, appliquée. Au sol, une colonie de pointes de pied caressent méthodiquement le parquet, sous la direction d'un métronome à la voix rauque et directive.

J'avais 3 ans quand j'ai commencé le sport. La danse classique m'a apporté de belles valeurs, la discipline, l'effort, la rigueur. Mais j'avais besoin de bouger plus.

 

Quatre ans plus tard, changement de décor, et de justaucorps. Malgré mon retard et un manque certain d'aptitudes physiques, j'allais faire de la gymnastique ! Je me souviens de cette grand salle pleine de tapis et d'agrès en tous genres, de l'odeur de la magnésie et de ses fines particules qui semblaient briller au contact de la lumière. Des filles à peine plus grande que moi traversaient le praticable sur les mains. Des types aux muscles saillants répétaient des acrobaties complexes avec l'habilité d'un chat qui retombe - presque - toujours sur ses pattes.

J'aime ce sport, j'en suis dingue. Au fils du temps, les entraînements s'intensifient et les compétitions se multiplient. Je prends ma première licence à Libourne, une usine à champions réputée à l'époque pour sa pédagogie des pays de l'Est. Mais je souffre aussi d'une grave scoliose dont mes parents veulent me préserver. C'est pourquoi 3 ans plus tard, je mute vers Chevanceaux, un petit club en devenir, plus calme et dans lequel je prends tout aussi vite mes marques. Je dors gym, je mange gym, je vis gym, au rythme des stages et des compétitions.

 

Dès l'âge de 14 ans, je m'investis auprès des plus jeunes, j'entraîne, je juge. À la maison, c'est très dur. Au collège, j'ai du mal à m'intégrer. Mais je trouve dans ce sport un vrai refuge, une sorte de famille, une identité. J'y passe d'ailleurs souvent plus de temps que chez moi.

 

- Le lycée 

 

En seconde, j'intègre l'internat du lycée Victor Louis à Bordeaux, en collaboration avec le club de Talence qui me permet de m'entrainer 2 à 3h par soir. Le niveau y est plus élevé, la salle mieux équipée et l'encadrement plus performant. Malheureusement, l'arrangement scolaire n'est pas reconduit. Retour au lycée de secteur.

Parallèlement aux compétitions habituelles, je me lance dans l'aventure TeamGym avec les copines du club : même fédération, nouveau format, nouvelles disciplines. Dès la première année, nous remportons la médaille d'argent aux championnats de France. D'autres suivront, mais le cœur n'y est plus.

 

Terminale. Mes parents divorcent, laissant derrière eux ma maison, mon chat, mes repères. C'est l'enfer, la chute de mon monde, et la fin des années gym...

Devant ma détresse, des potes de lycée me branchent sur le club d'athlé de Libourne. J’y essaie un peu de tout, de la perche aux épreuves combinées. j'accroche... à l'idée d'appartenir à quelque chose, à nouveau.

Du plaisir à l'excès, je passe rapidement tout mon temps au stade, désertant méthodiquement les cours que je n'ai pas envie de suivre. Suite logique, j'enchaîne les bacs, les perfs, les contre-perfs, puis les premières blessures.

 

- Les années fac

 

Bac en poche, j'intègre STAPS à Bordeaux, un peu par défaut. Ce que je veux, ce n'est pas travailler, mais faire des études le plus longtemps possible. J'imagine qu'en me laissant du temps, je trouverai ce que je veux faire de ma vie. Autant pour moi, je n'en sais pas plus aujourd'hui.

 

Les 3 premières années sont vraiment intenses et le rythme cours, jobs, sport difficile à concilier. Mais j'ai envie de profiter de toutes ces nouvelles disciplines que proposent la fac et l'université.

C'est d'ailleurs parmi le programme imposé que je découvre la natation. Et là, c'est la révélation ! L'eau, cet environnement à la fois silencieux, enveloppant, apaisant dans lequel je peux m'isoler comme dans un cocon. Je passe enfin de la brasse aux 4 nages, et décide de me lancer dans l'aventure BNSSA.

Je retente aussi la gym avec des filles de la fac, mais une énième contre perf en compétition me pousse à y mettre un terme, définitivement.

 

 

En même temps, je suis dépassée. Mon hygiène de vie est chaotique, mon alimentation complètement aléatoire, le tout cumulé à parfois plus de 20 heures d'entraînement par semaines. Résultat : plus 10 kilos en quelques mois. Et là c'est le drame. J'ai passé les quinze dernières années de ma vie à être jugée sur l’esthétique, sur la beauté de mes gestes, alors que j'ai désormais l'impression de ressembler à un rôti de porc en justaucorps.

Je compense d'abord par des footings, puis j'alterne avec du vélo, des régimes, des jeûnes, des vomissements,... puis le reste.

En Master, je ralentis enfin le rythme à un peu de natation et quelques compétitions d'escalade. Pour autant, je continue à expérimenter quotidiennement les limites de mon corps, me rapprochant chaque fois un peu plus de la dernière. Jusqu'à l'hospitalisation.

 

Mon fils né en 2012, en même temps j'intègre l'école doctorale. Mais la vie n'est pas plus douce et les difficultés s'enchaînent. La suite, vous la connaissez, plus de 5 ans sans sport ou presque, puis la reprise.

 

Mais ce que l'on me demande le plus souvent, c'est pourquoi je fais du sport.

 

Aujourd'hui, je marche encore sur un fil, l'équilibre est fragile. Je n'ai plus les capacités physique que j'avais enfant, mon corps a changé, mes envies, mes besoins aussi. Je dois tout réapprendre.

 

Quand j'étais petite, j'étais bourrée de complexes physiques. Je n'avais pas le gabarie approprié pour la gym... un milieu dans lequel on m'a souvent répétée que j'étais trop grande, trop fine. J'avais beau m'entraîner comme une dingue, je ne pouvais rien contre la génétique. La puberté m'en a encore éloigné. Cette fois-ci j'étais trop grosse, trop lourde, et j'avais trop de poitrine. Je n'ai jamais supporté mon image parce qu'elle ne reflétait pas les critères de performance dans ma discipline.

À la naissance de mon fils, j'ai perdu tout ce poids que j'avais accumulé à la fac. Pour autant, je n'arrivais toujours pas à supporter mon reflet dans le miroir. Alors quand j'ai repris le sport, j'ai décidé de travailler sur mon apparence, sur ma posture et surtout sur ce corps que je rêvais fin, ferme et musclé. Le travail a payé.

 

Ensuite, j'ai commencé le triathlon, et je me suis rendue compte que ce poids pour lequel je me plaisais n'étais pas celui avec lequel je pouvais m'entraîner efficacement. D'ailleurs, plusieurs fractures de fatigue m'ont aussitôt rappelé à l'ordre. Mais j'avais envie de me lancer dans de nouveaux défis. J'avais besoin de plus que de traîner dans les salles de fitness. Alors jusqu'au mois de mai, j'ai décidé de me préparer à l'Ironman d'Aix, sans trop me focaliser sur l'ennemi, mon image. Je reviendrai sur ma préparation dans un prochain article. En tout cas, j'ai kiffé certains moments, comme j'en ai détesté d'autres, mais dans l’ensemble je garde d'excellent souvenirs de cette période.

 

Et puis maintenant, ...l'après Ironman. C'est une période délicate parce que je peine à m'entraîner. Au début, j'ai mis ça sur le compte de la déception, sur mon échec. Ensuite, la fatigue est retombée, la pression aussi. Mais aujourd'hui, tout va bien, même le soleil est revenu, c'est dire ! Pour autant, je n'ai toujours pas envie de m'y remettre. À l'époque, je me serai probablement forcée, sans trop réfléchir. Mais je ne suis plus cette personne.

 

Je fais du sport, parce que c'est la seule chose que je sache vraiment faire, parce que c'est mon identité. Ça fait partie de ma vie. Maintenant, j'ai besoin d'y trouver un sens.

 

Elize.

 

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Commentaires: 2
  • #1

    Olivier (vendredi, 08 juin 2018 17:29)

    Tres tres bien ecrit ça Miss. Sincerement
    j'avoue aussi que l'exercice n'est pas si facile que ça de te livrer comme tu le fais

    On a tous nos raisons de faire du sport. Faire du sport à outrance (quelque soit sa forme, mais l'Ironman consiste à faire du sport à outrance), c'est aussi pour la plupart d'entre nous se prouver qq chose ou prouver à d'autres personnes. On a tous nos histoires: l'essentiel est en effet d'y trouver (que) du plaisir et d'y donner un sens

    Si tu as besoin d'un petit "push" psychologique (:-)) tu sais où me trouver

    Take care

  • #2

    Elize (vendredi, 08 juin 2018 17:51)

    Merci Olivier pour ton retour. En effet, j'ai bien galéré pour l'écrire celui-là, j'y suis depuis deux semaines... Mais quand on aime, on ne compte pas ;-)
    Bonne fin de prep, t’arrives au bout, ... j'ai déjà hâte de lire ton CR !
    Bise